Le Cercle Montesquieu Le Mans s'ouvre à l'internationa: les grands crus de Bourgogne au coeur de la géopolitique...
Dans le cadre de la conférence du 6 juin sur " Jules Lavalle ( 1820-1880), Science et Démocratie" , nous ouvrons la conférence aux personnalités chinoises organisatrices des grands salons des vins en Chine.
Nous recevrons Madame Ting Ding, vice-présidente de l'Association Internationale des Vins Rares et Vieux Millésimes et organisatrice de grands salons, dont celui de Shangaï auquel était invité le descendant de Jules Lavalle, Olivier de Cayron. Madame Ting Ding nous expliquera l'engouement des consommateurs chinois pour les grands vins de Bourgogne.
À Shangai, le symposium « Terroir-Renaissance » attire les plus grands vignerons de la planète. Fin novembre, la dernière édition de cet incroyable rendez-vous des hauts lieux du vin au pays du thé a été marquée par la présentation en avant-première de la version chinoise du Permis de Bourgogne, édité par Bourgogne Magazine. L’Empire du milieu s’éveille à la subtilité de nos terroirs…
En 2014, dix ans avant son installation à Dijon, l’honorable Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV) fait une annonce fracassante : avec près de 800 000 hectares plantés, la Chine est le deuxième vignoble de la planète juste derrière l’Espagne. Un éveil à la démesure de l’immense pays, qui vient d’ailleurs de voir sa demande d’adhésion à l’OIV acceptée.
Les Français saisissent la grappe au bond, le groupe LVMH en tête, entrainant dans son sillage de nombreux acteurs de la France viticole. En retour, les jeunes étudiants chinois se forment chez nous et importent les bonnes pratiques viticoles. Leurs ainés investisseurs s’intéressent à nos vignobles, le Bordelais notamment. Côté verre à moitié plein, ce croisement des cultures n’a rien d’une menace : la Chine, premier pays consommateur de vin rouge au monde, représente un marché à fort potentiel.
Mais le Covid est passé par là, et la soif des Asiatiques s’est quelque peu étanchée depuis. Cocktails, bières artisanales et flambée des prix ont eu raison d’une partie de l’enthousiasme, infléchissant la courbe des importations de vins. Les breuvages du haut du panier, dont les bourgognes, tiennent cependant leur rang. Et sur ce marché monstrueux, la consommation par habitant demeure très basse, donc porteuse d’enthousiasmantes marges de progression.
Au pays du thé, le terroir fait écho. La notion de lieu qui désigne nos fameux climats s’y transpose allègrement. TasteSpirit, société initiée par Xiang Gao, pratique une pédagogie ambitieuse dans la région de Shangaï où elle siège, ainsi qu’à Pékin, Canton et Shenzhen.
Les grands noms de la Bourgogne viticole
Notre consultant Jacky Rigaux, en bon spécialiste des grands vins de terroir, accompagne depuis longtemps ses travaux, avec un constat lucide : « Les vins les plus rares, à l’image du Cros Parantoux d’Henri Jayer dans les années 90, sont synonymes de réussite sociale. Tout entrepreneur, banquier, chirurgien, avocat, cadre dirigeant se doit de boire les plus grands vins, les plus recherchés et les plus chers au restaurant, et si possible de les posséder (…) Il était normal que la Chine, perçue comme la grande puissance émergente du XXIe siècle, fasse de Hong Kong un trait d’union entre elle et la vieille Europe. »
Au pays de la Grande Muraille, on s’amourache du Montrachet et de la Romanée-Conti. Les meilleurs vignerons de la planète se retrouvent ainsi chaque année à Shangai pour un très prisé symposium international « Terroir-Renaissance ». Du 22 au 24 novembre derniers, des Bourguignons de renom ont fait le déplacement, accueillis par Bertrand Lortholary, l’ambassadeur de France en Chine.
Fidèles parmi les fidèles : Aubert de Villaine, Thibault Liger-Belair en tant que président de l’Association internationale des Terroirs, Laurent Delaunay (le président des vins de Bourgogne), Bernard Bouvier, Nadine Gublin, Erwan Faiveley, Jean-Michel Chartron, William Jacquin-Ponsot, Charlotte Bouygues-Guyot (fille de Martin Bouygues), Edouard Labet, etc.
Le Permis de Bourgogne en version chinoise
La géo-sensorialité pronée par Jacky Rigaux séduit les amateurs de vins chinois. Ils voient dans les grands terroirs français et dans les climats de Bourgogne une évidente similitude avec ces hauts lieux qui font la complexité du thé.
Friands de masterclass, assoiffés de culture française, ils ont découvert en avant-première la version chinoise du Permis de Bourgogne. Cet ouvrage porte la signature commune de Jacky Rigaux et de Dominique Bruillot, éditeur de Bourgogne Magazine.
Il fut en premier lieu un hors-série de Bourgogne Magazine servi à ses abonnés et disponible en kiosque. L’esprit pédagogique de ce grand quiz et ses réponses développées en toute convivialité séduit. L’ouvrage paraitra officiellement en Chine début 2025 et sera donc accessible à des millions de Chinois.
Sur ce coup-là, n’ayons pas le triomphe modeste car tout prend d’incroyables proportions dans l’Empire du milieu. Et comme on dit là-bas, « quelqu’un qui vous comprend, même au bout du monde, est comme un voisin ». Le vin n’a pas fini de nous rapprocher !
Un nouvel article de Jacky Rigaux
ICI ET AILLEURS CES AUTRES CLIMATS BOURGUIGNONS
Si seuls les quelque 1 500 climats de la Côte de Nuits et de la Côte de Beaune sont inscrits au patrimoine mondial, tous les vignobles portant le nom de Bourgogne sont organisés sur le même modèle. Les départements de l’Yonne et de la Saône-et-Loire possèdent donc eux aussi leurs micro-terroirs viticoles, pas moins fameux que ceux de la Côte-d’Or.
Par JACKY RIGAUX
Naturaliste et médecin dijonnais,
le Dr Jules Lavalle (1820-1880) est l'auteur d'un ouvrage de référence donnant le premier classement du vignoble de Bourgogne, Histoire et statistique de la vigne des grands vins de la Côte-d'Or, publié en 1855. © D. R.
Quand la notion de « climat », qui associe le goût et le lieu, s’impose aux XVIIIe et XIXe siècles, les vignobles de l’Yonne, comme ceux de la Saône-et-Loire, la revendiquent également : Clos de Jeu sur Givry, Rabourcé sur Rully, Les Combettes à Fuissé, Les Preuses sur Chablis ou Clos de la Chainette à Auxerre. Dans les Hautes-Côtes de Nuits et de Beaune, nouvel eldorado des vins de Bourgogne, les climats sont également là de longue date, comme l’attestent le lumineux climats du Clos du Prieuré à Arcenant ou les célèbres Dames Huguettes qui surplombent Nuits-Saint-Georges.
Vins de lieu, vins ordinaires
Si la notion de climat viticole s’est imposée majoritairement en Côte-d’Or, c’est tout simplement parce qu’elle y a été conservée grâce aux savants du XIXe siècle, le Dr Jules Lavalle en particulier, dont les travaux seront publiés et repris par le Comité de viticulture de Beaune.
Après la Révolution française en effet, la viticulture de masse avait pris le pas sur les vignes fines, même dans les grands vi- gnobles de Bourgogne. Le géographe et historien Roger Dion (1896-1981) évoque explicitement ce processus inéluctable : « La Révolution, en faisant passer les vignobles ecclésiastiques en mains paysannes, avait privé la viticulture française d’une élite de praticiens, conservateurs fidèles des plus parfaites méthodes de culture et de vinification. »
Sous la monarchie de Juillet (1830-1848), par crainte d’une nouvelle révolution, le gouvernement préfère « résoudre par l’augmentation de la production du vin ordinaire un problème de subsistance, que favoriser le maintien d’une viticulture élitiste qui avait comme fonction principale d’améliorer le style de vie des classes supérieures » (in Vin de Bour- gogne, le parcours de la qualité, Louis Latour, Éditions de l’Armançon, 2012). Désireux d’étendre ses marchés, le négoce triomphant va amplifier le phénomène en se focalisant davantage sur la marque que sur la recherche du goût du lieu, et en favorisant les processus industriels au détriment de la production artisanale. Ainsi, dans la seconde moitié du XIXe siècle, le célèbre Clos Saint-Jacques à Gevrey-Chambertin était planté aux trois-quarts en cépages communs, plus productifs mais moins délicats.
Dès 1816, l’œnologue chalonnais André Julien est un des premiers à dénoncer ces pratiques : « Ces opérations, que l’on qualifie, dans certains pays, de soins qui aident à la qualité, sont toujours nuisibles aux vins de la Côte-d’Or. Ils ont un bouquet qui leur est propre et qui ne se développe souvent qu’au bout de trois ou quatre ans. C’est les altérer que d’y introduire des substances aromatiques ou d’autres vins, quelle qu’en soit la qualité. »
Le choix du terroir
Au cours du XIXe siècle, l’essor du commerce viti- cole interrégional et la nécessité de distinguer ses productions sur le marché vont accélérer l’exten- sion du concept de climat. Des noms comme Moulins-à-Vent, Fleurie ou Thorins apparaissent sur les cartes des restaurants parisiens, intégrant le répertoire commercial des vins de qualité. Il ne s’agit plus seulement de désigner un lieu, mais d’ancrer une promesse de goût dans un nom reconnu.
La magie du climat Rabourcé à Rully
Le Rully 1 cru Rabourcé est langoureusement installé sur le coteau le plus haut et le plus chaud de Rully (Saône-et-Loire), à rebours de ses deux voisins, Cloux et Raclot, d’où son nom qui proviendrait de l’ancien français rebors, « hérissé, à contre poil ; retourné, mis à l’envers ». On y a trouvé, dans les années 1980, une petite statuette gallo-romaine représentant un vendangeur avec un rameau de vignes et une serpe dans les mains, que l’on peut admirer au musée Denon à Chalon-sur-Saône. Lors de travaux hydrauliques, on y a aussi découvert un ancien drain du XVe siècle encore en bon état. Pour Pierre De Benoist, qui en cultive une parcelle aujourd’hui,
Dans ce contexte, le rôle des scientifiques et des intellectuels fut primordial pour le retour en grâce des vins fins. Ces derniers bénéficièrent de l’Exposition universelle de 1855 voulue par Napoléon III pour renaître, se vendant à nouveau six fois plus chers que les vins ordinaires. Malheureusement le phylloxéra anéantit cette nouvelle dynamique jusqu’à l’arrivée, à la toute fin du XIXe siècle, d’un porte-greffe américain résistant au puceron scélérat.
En Bourgogne, avec la création des appellations d’origine contrôlée en 1935, on fit définitivement le choix du terroir et de sa hiérarchie, quand le Bordelais optait pour le château et la Champagne pour la marque. Le modèle de viticulture de terroir se structure alors autour d’un territoire resserré, entre Dijon et Santenay, où s’invente une cartographie du goût adossée à la rigueur topographique. Devenue un étalon régional, cette mise en récit savante du sol ne s’impose pas d’emblée dans l’ensemble de la Bourgogne viticole.
En Côte chalonnaise comme en Côte-d’Or
En Bourgogne, la Côte chalonnaise a joué un rôle majeur dans l’édification d’une viticulture de terroir. Tout d’abord grâce à la proximité d’Autun, qui encouragea les Bénédictins à réactiver la viticulture au Ve siècle, puis aux moines de Cluny qui poursuivirent leur travail à partir du Xe siècle. Dès le VIe siècle, Grégoire de Tours évoque d’ailleurs la rivalité entre les cités de Dijon et de Chalon en matière de production de vins de qualité recherchés par les puissants.
Pour autant, c’est seulement à la toute fin du XVIIIe siècle que, sur le modèle côte-d’orient, les climats de la Côte chalonnaise commencent à s’imposer comme outils de différenciation commerciale. Il faut dire que la géologie s’y prête, générant cinq vignobles avec des vins à la diversité exceptionnelle : Mercurey et Givry se distinguent essentiellement pour les vins rouges, Rully et Montagny excellent pour les blancs, et Bouzeron magnifie le cépage aligoté. Et si la Côte chalonnaise est revenue plus tardivement dans la lumière que les Côtes de Beaune et de Nuits, c’est en partie parce que ces vignobles ont fourni plus longtemps des vins ordinaires aux villes de Saône-et-Loire qui s’étaient industrialisées.
Le Mâconnais, quant à lui, est resté jusqu’à la fin du XIXe siècle rétif à cette logique de parcelles identifiées. Historiquement coopérative, la viticulture y a longtemps reposé sur des hiérarchies générales de cuvée – première, deuxième, troisième – ou sur les cépages, davantage que sur la mention de lieux-dits.
La renaissance des climats icaunais
Bénéficiant de coteaux bien exposés et de faible altitude favorables aux vins fins, et de rivières navigables (l’Armançon, l’Yonne et la Seine) qui permettent de les exporter facilement à Paris, la Basse-Bourgogne (qui deviendra le département de l’Yonne) s’est dotée d’une culture du lieu-dit viticole dès la fin du XVIe siècle. Pour autant, elle ne commence à valoriser ses cli- mats qu’à partir des années 1780. Les noms de parcelles – Clos de Migraine, de la Chaînette –se diffusent alors timidement, principalement dans la région d’Auxerre.
À la fin du XIXe, le phylloxéra détruit tous les vignobles de l’Yonne, et le mildiou, comme l’oïdium, sévissent pendant tout le temps de la reconstitution. En 1975, il ne reste que 2 800 hectares de vignes dans l’Yonne, Chablis compris, qui reprend alors son destin en main en replantant ses 5000 hectares. Dans le même temps, des passionnés (vignerons, restaurateurs, érudits...) décident de faire renaître les vignobles historiques de l’Auxerrois, du Tonnerrois, de Vézelay, Joigny, Irancy, Saint-Bris, Coulanges- la-Vineuse ou encore de Chitry. Désormais, ces vignobles constituent des agrégats territoriaux de mieux en mieux définis, où on revendique de plus en plus les climats.
De concept localisé, forgé par des élites savantes et des vignerons exigeants, le climat est devenu une matrice d’excellence régionale. La reconnaissance de ce système par l’Unesco, à travers l’inscription des Climats du vignoble de Bourgogne au patrimoine mondial, acte cette diffusion progressive et en consacre la portée universelle.
Hors-série- Climats de Bourgogne. Article de Jacky Rigaux.
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