PRÉSENTATION

Notre objectif: "réfléchir autrement" au monde dans lequel nous vivons, compte-tenu de la complexité des nouvelles problématiques du monde contemporain et de la société.
Le monde va vite, la vitesse de diffusion des informations révolutionne, perturbe nos modes de pensée et de vie, ce qui crée une apparente confusion. Il nous faut trouver les clefs de compréhension des nouvelles logiques mondiales qui influencent notre vie afin de mieux maîtriser ces changements inéluctables pour mieux vivre ensemble. La mondialisation qui entraîne la confrontation de différentes cultures et de différentes valeurs chamboule nos certitudes et nous remet en cause. Et c'est bien! Il nous faut nous débarrasser des opinions mais bien renouer avec les idées. Il nous faut innover, penser le monde autrement.
Notre cercle de réflexion se compose de membres de sensibilités, de formations et de profils différents: juriste, avocat, médecin, neurologue, psychiatre, artiste peintre et géographe, cadre, ingénieur, sculpteur, élu, publicitaire, retraité, actif, jeune et moins jeune ... Nos parcours de vie et de profession nous permettent de mettre en commun des approches intellectuelles différentes, de confronter nos points de vue et d'aborder des idées nouvelles. Nous n'avons pas de solutions prêtes à l'emploi mais beaucoup de bonne volonté et foi dans l'avenir de l'humanité. Nicole Anquetil, présidente du Cercle Montesquieu du Mans.
Les adhésions et les contributions sont les bienvenues et seront soumises à la Rédaction.

dimanche 24 mars 2024

" La fin de l'asile" conférence animée par Hervé Guillemain, historien de la santé et de la psychiatrie, vendredi 12 avril 2024 à 18 h 30 au Musée-Jean-Claude-Boulard-Carré-Plantagenêt

 


Hervé Guillemain - PR Histoire - Le Mans Université - Temos CNRS 9016 - Garant recherche LLSHS

Co-directeur de la revue Histoire, Médecine et Santé (s'abonner à la lettre)

Directeur du projet DicoPolHiS (s'abonner à lettre) et du Podcast La Piqûre de rappel

Membre du board de la European Association History Medicine Health (S'abonner à la lettre)

Page personnelle

  


lLe nouvel article sur les nouvelles pratiques de la psychiatrie journal "La Croix" du 18 mars 2024De l

 

ernier.

 https://www.la- croix.com/sante/sante-mentale-pair-aidance-psychoeducation-les-nouvelles- pratiques-de-la-psychiatrie-20240317

- le résumé de mon dernier livre par la revue Prescrire :

https://www.prescrire.org/Fr/150/1884/57395/6070/6069/SubReportDetails.aspx

- une note de lecture sur La fin de l'asile (en pj) - Le Monde sur Du front à l'asile (en pj)

- le résumé vidéo de mon livre sur Coué : https://www.youtube.com/watch? v=OSHNy1-6wGw

- sur dicopolhis cet article : https://journals.openedition.org/rhc/7804 - on peut aussi renvoyer au site de la revue que je dirige :

https://journals.openedition.org/hms/



Alexandre Klein, Hervé Guillemain et Marie-Claude Thifault (dir.), La fin de l’asile ? Histoire de la déshospitalisation psychiatrique dans l’espace francophone au xxsiècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, « Histoire », 2018, 235 p.

La fin de l’asile a-t-elle eu lieu ? Au-delà des réformes qui ont vu le jour dans les pays occidentaux au cours des années 1950 et 1960, et qui ont annoncé la mise en place d’un processus de désinstitutionnalisation psychiatrique, quelle a été la réalité historique de ce processus ? C’est la question qui traverse cet ouvrage, issu d’une collaboration entre historiens, historiennes et sociologues spécialistes du champ psychiatrique au Canada, en France et en Belgique. Il s’inscrit dans un projet de recherche, initié au Canada, qui a permis un échange fructueux autour d’une problématique ayant suscité relativement peu de travaux historiques en ce qui concerne l’espace francophone (à l’exception du Canada). Le choix des termes revêt un enjeu majeur : peut-on parler de désinstitutionnalisation ou bien d’une simple déshospitalisation ? Comme l’expliquent Alexandre Klein, Hervé Guillemain et Marie-Claude Thifault dans l’introduction, la désinstitutionnalisation comporte deux volets : d’une part, la sortie des malades des hôpitaux psychiatriques (déshos- pitalisation), d’autre part, leur réintégration dans la communauté (sans recours à d’autres institutions). Le premier constat dressé par ces chercheurs et chercheuses est sans appel : si une déshospitalisation a bien eu lieu dans l’espace francophone, la désinstitutionnalisation semble être restée « un mirage », faute d’alternatives efficaces permettant d’imaginer une prise en charge de la maladie mentale hors des murs de l’institution. Ce constat soulève plusieurs questionnements, dont les enjeux restent d’actualité. Quelles sont les alternatives à l’internement dans la prise en charge de la maladie mentale ? Comment accompagner le retour des patients et des patientes dans la société ? De quels relais peut-on disposer, au sein de la com- munauté, pour faciliter cette réinsertion ? Quelles peuvent être les conséquences de la déshospitalisation, du point de vue des acteurs impliqués dans ce processus, qu’il s’agisse de soignants et soignantes, de patients et patientes ou de membres de la famille ? Ces questionnements traversent les contributions de cet ouvrage, qui s’appuie sur des sources variées issues de terrains d’enquête diversifiés, s’inscrivant dans un cadre chronologique large, allant du xixsiècle à l’histoire la plus récente. Afin d’éclairer « la fin de l’asile », proclamée dans les années 1950 et 1960 au sein des pays occidentaux, quatre perspectives ont été privilégiées.

La première partie de l’ouvrage vise à réinscrire le phénomène de déshospitali- sation dans une temporalité plus longue, en mettant en avant les expérimentations de prise en charge extra-asilaire ayant vu le jour avant la période de réforme. Dans cette perspective, Aude Fauvel et Wannes Dupont reviennent sur le mythe de Gheel, cette « ville des fous », située en Belgique, où les « fous » vivent en liberté depuis le xiiisiècle. Cette contribution interroge les discours produits sur Gheel, dans le cadre des débats internationaux portant sur la psychiatrie du xixsiècle à nos jours. Si cette expérience a inspiré certains psychiatres, les deux guerres mondiales créent des conditions favorables à l’expérimentation sur le terrain de solutions alternatives à l’internement. Durant le premier conflit mondial se met ainsi en place une prise en charge des soldats aliénés à l’extérieur des asiles, ce qui en fait un moment pionnier vers la déshospitalisation (Marie Derrien). Ces expériences alternatives alimentent les réflexions autour de la transformation du modèle asilaire. La Seconde Guerre mondiale constitue également une étape clé dans l’évolution des conceptions des médecins (Isabelle von Bueltzingsloewen). Les circonstances extrêmes provoquées par la guerre suscitent le développement d’une réflexion portant sur la diversification des formes de prise en charge de la maladie mentale. Dans le contexte de l’exode, la « libération » improvisée d’un certain nombre de malades, qui parviennent ensuite à se réadaptater au monde extérieur, conduit ainsi les psychiatres à relativiser la nécessité d’un internement. Comme le montrent ces trois contributions, il n’a pas fallu attendre les années 1950 pour que des alternatives à l’asile se mettent en place et pour que se développe une réflexion portant sur la finalité du traitement psychia- trique (a-t-il pour objectif la guérison ou la réadaptation sociale de l’individu ?).

La deuxième partie de cet ouvrage est consacrée aux acteurs jusqu’alors « négli- gés » de la déshospitalisation. Dans une étude portant sur l’hôpital Montfort, seul hôpital francophone de la région d’Ottawa, Sandra Harrisson et Marie-Claude Thifault soulignent dans quelle mesure l’infirmière psychiatrique peut appa- raître comme « le témoin silencieux du processus de déshospitalisation » (p. 83). S’appuyant sur une source particulièrement riche, les notes d’observation des infir- mières contenues dans les dossiers médicaux, cette étude souligne le rôle central joué par l’infirmière dans la transition des soins qui s’opère entre l’hôpital et le foyer familial (entre 1988 et 2006). À partir d’une source similaire (les dossiers de patients), Hervé Guillemain s’intéresse quant à lui au point de vue du patient dans le contexte de déshospitalisation qui touche la France dans les années 1970 et 1980. À cette époque, l’introduction d’une nouvelle technique, celle des neuroleptiques retard (dont les effets se font sentir plusieurs semaines après l’injection), permet de faciliter la sortie de certains patients réfractaires au traitement classique. Cette thé- rapeutique, qui étend le champ d’action de l’institution psychiatrique au-delà de ses murs (jusqu’au domicile du patient), suscite l’inquiétude des soignants comme des patients. Le rôle des médias dans l’émergence du mouvement de déshospitalisation psychiatrique au Canada est souligné par Maria Neagu, qui s’appuie sur la presse québécoise et ontarienne des années 1960 et 1970. Alexandre Klein revient quant à lui sur l’itinéraire d’un psychiatre canadien anglophone, Charles A. Roberts, et sur son influence dans la transformation du système de santé mentale au Québec. Cette contribution permet d’inscrire les réformes ayant eu lieu au Québec dans le contexte plus vaste de la modernisation des services psychiatriques canadiens, à rebours d’une lecture faisant de la politique de « désinstitutionnalisation » psychiatrique le fruit d’une révolution culturelle provinciale menée par des francophones.

La troisième partie de l’ouvrage souligne les « mirages de la désinstitutionna- lisation psychiatrique », à partir d’études portant sur la France, la Belgique et le Canada. Les quatre contributions aboutissent à la même conclusion : malgré les injonctions formulées par les textes de loi, de part et d’autre de l’Atlantique, une désinstitutionnalisation, comportant non seulement une déshospitalisation mais également une réintégration du malade au sein de la société, n’a pas eu lieu. À l’hôpital psychiatrique de Bonneval (Eure-et-Loir), étudié par Emmanuel Delille, les différentes réformes engagées entre 1947 et 1972 n’ont pas conduit à l’abandon du modèle hospitalier mais à un processus de modernisation et de rénovation de l’établissement. Le cas de la déshospitalisation à la française est également analysé par Hervé Guillemain, à trois échelles différentes (celle de l’État, celle du dépar- tement de la Sarthe et celle des patients et des patientes). Sont alors mis au jour les « faux-semblants » de la déshospitalisation, mouvement qui n’est ni continu, ni linéaire et qui est bien plus à mettre en relation avec des raisons budgétaires et économiques qu’avec des considérations idéologiques. En ce qui concerne le cas belge, Benoît Majerus questionne le caractère « introuvable » de la désinstitutionna- lisation psychiatrique dans les années 1960 et 1970. Ce n’est pas à un phénomène de désinstitutionnalisation qu’on assiste, mais bien plus à une « double transinsti- tutionnalisation », qui s’opère à l’intérieur comme à l’extérieur de la psychiatrie. À l’intérieur, les grands établissements sont remplacés par des structures plus petites. À l’extérieur de la psychiatrie, des populations relevant autrefois de l’asile (comme les personnes âgées ou les handicapés mentaux) sont prises en charge dans de nouvelles institutions. Ce processus se retrouve dans le nord-est ontarien, qui est le cadre de l’étude de Marie LeBel, dans laquelle sont retracées les trajectoires des francophones ayant reçu un diagnostic de maladie mentale entre 1950 et 2010. Ici encore, la désinstitutionnalisation apparaît toute relative.

La quatrième et dernière partie de l’ouvrage interroge les « devenirs et contre- coups de la “désinstitutionnalisation” », à partir de deux études portant sur le ter- ritoire canadien. La première retrace le parcours transinstitutionnel d’une patiente dans un contexte de déshospitalisation psychiatrique (Marie-Claude Thifault) ; la seconde dresse un bilan de la politique de désinstitutionnalisation au Québec, à partir de l’exemple de l’hôpital des Laurentides (1960-2012) et s’appuie sur des entretiens réalisés auprès d’intervenants et d’intervenantes ayant exercé au sein de cette structure (Laurie Kirouac, Alexandre Klein, Henri Dorvil). Le constat qui est dressé ici rejoint les analyses précédentes : si des sorties massives de personnes autre- fois internées ont bien eu lieu, leur réinsertion sociale s’est heurtée à de nombreux obstacles (liés non seulement au déficit d’investissement de l’État québécois dans l’accompagnement social et clinique, mais également au caractère conflictuel des logiques inhérentes à la politique de désinstitutionnalisation).

La diversité des approches constitue l’une des grandes forces de cet ouvrage, qui apporte un éclairage neuf sur un sujet méconnu. Certaines pistes de réflexion, que l’on retrouve dans plusieurs contributions, et qui portent sur le rôle joué par la famille des patients et des patientes, sur les « effets pervers » de la déshospitalisation ou encore sur le processus de « transinstitutionnalisation », apparaissent comme particulièrement fructueuses. Par ailleurs, il est tout à fait passionnant de constater de quelle manière, dans le cas de l’espace canadien, la question linguistique s’articule à des enjeux de santé mentale. Afin d’approfondir la réflexion portant sur l’unité de l’espace ici étudié, il aurait toutefois été utile de revenir plus en détail sur les éven- tuelles circulations (d’idées, de pratiques, de personnes) qui caractérisent l’espace psychiatrique francophone au xxsiècle, en lien avec le processus de déshospitalisa- tion psychiatrique. L’ouvrage n’en reste pas moins particulièrement intéressant, dans la mesure où il ouvre des pistes de réflexion stimulantes concernant notamment la possibilité d’écrire une histoire de la psychiatrie « hors des murs de l’institution12 ».

Fanny LE BONHOMME


mardi 12 mars 2024

"Les mots de l'actualité", conférence animée par Madame Langage, Jeanne Bordeau, vendredi 22 mars 2024.

 


 





Vernissage de la nouvelle collection de tableaux " 2023" la veille de la conférence à Paris





REVUE DE PRESSE

"LES ECHOS"

La chronique. Jeanne Bordeau.

Les mots de 2022

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Paru dans l’édition du jeudi 24 novembre 2022 

« Les mots, portrait d’une année » 

Si « réinventer » est le verbe fétiche du Président, chaque année les mots composent un nouveau canevas qui tisse la mémoire de nos pensées et émotions.
La « guerre » est le mot marquant de 2022. Le 24 février, la guerre est en Europe. Une litanie de mots sombres accompagne cette nouvelle frappante. « Déplacés, pénuries, restrictions, réquisitions” fondent une cohorte lexicale peu habituelle. 

« Guerre de l’énergie », « dérèglements climatiques », nous impose « la sobriété énergétique ».
Les protestations virulentes des « écolos radicaux » nous engagent à « décarboner », de nombreux labels vertueux essaient de rassurer le consommateur, mais « stocamine », « solvants toxiques » nous rappellent des erreurs qui ne pourront s’effacer ! 

« Le feu » lui fut le mot de l’été. Nous avons contemplé des « brasiers », des « méga- feux. « La canicule », « la sécheresse » et « la guerre de l’eau » entrent dans nos vies. Bien sûr, les verbes « réparer » et « restaurer » essaient de contrebalancer ces dégâts. On sait qu’il sera dur de « réduire », « d’économiser », verbes pourtant favoris des politiques. 

Quant au « pouvoir d’achat », il est à la une un jour sur deux. « Inflation », « dette » aussi. « Hausses spectaculaires » devient une expression familière !
Malgré la « planification écologique » annoncée par Madame Borne et « la Cop 27 », on se sait plus où respirer, ni quoi consommer, même si les marques scandent à l’envi le mot « authenticité » et « raison d’être ». 


Aujourd'hui en France, Dimanche

Dimanche 31 décembre 2023 N° 8074

SOCIÉTÉ ACTU 13

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Chaque année, de nouveaux mots font leur apparition dans le dictionnaire, comme « complosphère », « mégabassine » ou « multivers », après un usage répété dans les médias et le langage courant.

Ces mots qui ont marqué 2023

Les mots ne nous ont pas épargnés, cette année. Après le Covid, voilà notre monde qui s’enlise et se divise dans les guerres, l’incertitude climatique et économique.

Bérangère Lepetit

IL Y A DES MOTS qui répa- rent, d’autres qui claquent et qui divisent. Une fois encore, nous avons demandé à des spécialistes en sémantique ce qu’ils ont retenu de notre vocabulaire en 2023, et le constat est saisissant. Après trois années de pandémie marquées par l’irruption dans nos vies d’un vocabulaire médical, scientifique, nous voilà installés durablement dans un autre champ lexical, celui de la guerre et du chaos.

« Les mots deviennent une poudrière. Chaque terme peut être mal interprété, entraîner une réaction vio- lente. Pour avoir une valeur, notamment sur les réseaux sociaux, un mot doit avoir une forte portée émotionnelle. Tout devient épidermique », estime Delphine Jouenne, spécialiste de sémantique et autrice d’« Un bien grand mot : les Mots de l’année revus et corrigés » (Éd. Enderby). Heureusement, même dans le désordre le plus grave, l’espoir peut renaî- tre. Allez, on y croit.

nAbaya
Elle a inondé le débat public en septembre lorsqu’il a été question de l’interdire dans les établissements scolaires français. Il y avait le burkini au début des années 2000, voilà désormais l’abaya. À chaque

fois, le débat revient. Il est question d’un vêtement qui couvrirait le corps des fem- mes, le tiendrait éloigné du regard masculin.

« C’est toujours une tenue, l’expression d’une culture, d’un comportement. Cela peut sembler anodin, mais ça ne l’est pas ! Aujourd’hui, on parle d’ailleurs de réintrodui- re l’uniforme à l’école », expli- que Jeanne Bordeau, linguiste et artiste. Année après année depuis seize ans, elle collec- tionne et trie les mots. Celui- ci figure en bonne place de son palmarès 2023.

nBordélisation
« Les mots du début d’année laissent parfois percevoir le climat des mois suivant », relève malicieusement Del- phine Jouenne dans son livre « Un bien grand mot ». Elle ne croit pas si bien dire.

Rappelez-vous : c’était dans les colonnes du « Parisien » le 28 janvier dernier. À la veille d’une nouvelle journée de mobilisation contre la réfor- me des retraites, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darma- nin, parlait cash, accusant dans une interview la Nupes de « bordéliser le pays ». Il prononcera à nouveau le mot quelques jours plus tard lors d’un déplacement à Marseille (Bouches-du-Rhône). « La bordélisation, je pense qu’on la constate encore ce matin en commission (de l’Assem-

blée nationale) », lâche-t-il alors. Y a-t-il repensé en décembre lors des débats à l’Assemblée autour de la loi sur l’immigration ?

nIntelligence artificielle ou IA
Il faudra aussi s’en souvenir. L’année 2023, c’est celle de ChatGPT, ce drôle d’énergu- mène qui fait désormais par- tie de nos métiers, de nos vies, pour le meilleur et pour le pire. Voilà désormais venue l’ère de l’intelligence artificiel- le, ou IA, mangée à toutes les sauces, servie dans tous les domaines. Assistante de pen- sée, coach, traducteur, tri- cheur, l’IA, c’est un peu tout cela à la fois.

« Même si, pour certains, cela semble vertigineux et effrayant ! On est à l’adoles- cence de toutes ces décou- vertes. Un nouveau monde est là », s’enthousiasme Jean- ne Bordeau.

nPogrom
On le pensait relégué dans les heures les plus sombres de nos manuels d’histoire. Il réapparaît. C’est en tout cas le mot d’origine russe utilisé par la rabbine et écrivaine Del- phine Horvilleur pour quali- fier les violences perpétrées par le Hamas, après les atta- ques contre Israël, le 7 octo- bre : « Un véritable pogrom. »

« Le mot est dérivé du ver- be gromit qui signifie tonner,

saccager, piller, dérivé de grom, le tonnerre », rappelle Delphine Jouenne, qui l’a sélectionné. Le mot, introduit en français, a pris par exten- sion le sens de « soulèvement meurtrier avec pillage suscité par le racisme ». En l’occur- rence, par l’antisémitisme, cet autre mot dont les occurren- ces ont été innombrables ces derniers mois.

nShrinkflation
L’inflation, cette hausse globa- le des prix, c’est déjà du passé, tout a commencé en 2022. Aujourd’hui, notre bonne vieille inflation revêt des for- mes de plus en plus mas- quées et sophistiquées. Les industriels rivalisent d’ingé- niosité pour mieux duper le consommateur. À la fin du mois d’août, sur un plateau de France 2, même le ministre de l’Économie et des Finan-

ces, Bruno Le Maire, s’en est ému : « La shrinkflation est une arnaque. » « Le mot vient du verbe anglais to shrink qui signifie rapetisser et se traduit en français par le terme rédu- flation ». Grosso modo, vous l’aurez compris : on en a moins, et c’est plus cher.

nTransitionner
Le verbe, un néologisme, est apparu dans les médias au moment de la COP28, orga- nisée du jeudi 30 novembre au mercredi 13 décembre à Dubaï, dans les Émirats ara- bes unis. « Il signifie que la transition écologique com- mence à être prise en comp- te », souligne Jeanne Bordeau.

Faut-il en déduire que les États vont passer à l’action ? Dans leur accord final, les pays signataires se sont en tout cas mis d’accord pour la première fois sur leur objectif,

d’ici à 2050, de « transition- ner hors des énergies fossi- les ». À ne pas confondre avec une autre transition, utilisée à propos d’une personne trans et qui consiste à subir un changement d’apparence ou d’expression de genre.

nUltras
En 2022, tout était « méga ». Qu’en est-il en 2023 ? Les années passent, mais les pré- fixes restent. « Ils sont tou- jours autant à la mode », lance Jeanne Bordeau qui les col- lecte minutieusement. Sauf que notre affixe de l’année, « ultra », n’est pas très joyeux, car souvent associé à l’idée de violence, d’extrémisme politi- que. Dans « le Parisien », il a été utilisé pour intituler un édito, « Ultraviolence », le 20 novembre après la mort de Thomas, un jeune homme de 16 ans lors d’une fête de village à Crépol (Drôme).

On s’en sert aussi beau- coup ces dernières semaines pour évoquer l’ultradroite, ces groupuscules de la fachos- phère qui étendent leur influence de Lille (Nord) à Lyon (Rhône-Alpes) ou Bor- deaux (Gironde). L’ultra serait plus violente que l’extrême. Parfois, aussi, elle évoque la richesse. « On parle dans les journaux des ultra-riches, mais en 2023 on a vu aussi apparaître les giga-riches », s’amuse Jeanne Bordeau. Où cela va-t-il donc s’arrêter ?

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L’intelligence artificielle est devenue l’alliée des devoirs des élèves.

LP/OLIVIER ARANDEL


lundi 4 mars 2024

Jeanne Bordeau, " Les mots de l'actualité", vendredi 22 mars à 18 h 30, Musée-Jean-Claude-Boulard-Carré-Plantagenêt



https://jeanne-bordeau.com
https://madamelangage.com

Une linguiste. Une artiste. Une styliste du langage.


Une historienne des motsVoilà quinze ans que Jeanne Bordeau crible les journaux pour extraire les mots qui marquent l’actualité. S’ensuit la composition de tableaux avec ces mêmes mots, en plus d’une couleur, d’une forme et d’un thème. Créatrice d’un bureau de style en langage, cette spécialiste des mots attire nombre d’entreprises désireuses de parfaire le ton de leur langage.

Dans ses oeuvres, Jeanne Bordeau réunit « le chronos du logos ». Les mots qu’elle choisit marquent une ou plusieurs années, ils font l’objet d’une sélection opérée avec méthode et minutie.

10 thèmes chaque année depuis 15 ans. Ses toiles content une époque et l’évolution de la société. C’est en cela que Jeanne Bordeau adopte aussi une posture de sociologue et d’historienne. Puisque ses tableaux rappellent à chaque Français quand ont émergé les flux de phrases qui résonnent dans leurs oreilles. Parfois, telle une médium, l’artiste anticipe les mots qui marqueront les années à venir. En 2018, c’est le mot «  fracture »qui est à l’honneur,  depuis nous ne parlons plus que de fractures… Jérôme Fourquet publiait même son ouvrage, « L’Archipel français », sur les fractures françaises, l’année suivante, en 2019. 

Une spécialiste contemporaine des mots ne peut qu’attirer les entreprises en quête de storytelling. Mais Jeanne prévient : « L’entreprise doit écrire une langue qui lui ressemble. » Elle caractérise et harmonise le langage des entreprises, aucune marque ne doit parler la même langue : « Boucheron doit-il parler comme Cartier ? », dit-elle. « Non ». C’est dès l’enfance que Jeanne Bordeau s’est prise de passion pour les mots, le langage et son énergie. « La langue française n’est pas une langue comme une autre », défend-elle, une langue puissante où la nuance a toute sa place. Notre linguiste s’inquiète aujourd’hui de l’appauvrissement de la syntaxe et lutte pour protéger le recours à la proposition subordonnée, celle qui « permet à la pensée de monter en puissance ». « L’École devrait revoir ses façons d’apprendre », estime Jeanne Bordeau. Une langue, ça se ressent, « j’ai appris l’anglais en écoutant Elvis Presley », souligne la polyglotte. Pour elle, les mots de l’année sont les mots les plus répétés et dits cette année-là. Ce ne sont pas toujours des mots nouveaux. Bien des mots nouveaux quelques années plus tard ont disparu. Qui se souvient de « bankster », « vuvuzéla » ou « quenelle » ? La première année de la covid-19, le mot le plus prononcé fut « incertitude » et ce n’était pas là un mot nouveau .


" Une linguiste. Une artiste. Une styliste du langage.


« Mes doigts vont saigner »

« J’entends palpiter le bruit de l’époque et c’est parfois fatigant », dit-elle, qui analyse tant les paroles des ministres à la radio que celles du chauffeur de taxi. En décembre, l’artiste s’enferme trois semaines, avec Prosper, dans son 50 m² du XVIearrondissement de Paris pour réaliser ses onze œuvres thématiques (société, politique, communication, économie…). Elle sait : « Cette année encore, mes doigts vont saigner vu la dureté des mots de l’actualité. J’ai une relation charnelle avec eux. »

Face aux maux du monde donc, elle s’autorise un tableau plus apaisé. Celui des « beaux mots ». « Grâce », « élégance », « étoile » lui offrent du répit. Dans son corpus annuel, la linguiste évalue ces douceurs à 20 %. 30 % sont des mots répétitifs, neutres. Et la moitié restante est composée de termes négatifs ou agressifs. 


Extrait de l'article du journal Ouest-France", décembre 2023


 Et depuis 15 ans, Jeanne crée de grands tableaux qui dessinent et content l’époque. Elle crible des milliers de pages de magazines et journaux. Ses œuvres se concentrent chaque année sur les dix mêmes thèmes. 

Dans son travail artistique, le collage est au cœur. 

Il s’agit pendant des mois, de trier et sélectionner dans les pages de magazines les mots de l’actualité les plus connus et les plus rares. 

Ensemble, dans chaque tableau, les mots recueillis reprennent un sens, un sens fortifié par leur disposition et fondent une histoire. Elle dessine avec les mots une forme qui rehausse la signification de chaque composition. 

C’est une œuvre militante : ses tableaux sur le développement durable alertent depuis 15 ans sur une terre en détresse, une planète qui brûle et la guerre de l’eau. Elle révèle sur chaque thème les évolutions et les troubles de la société. 

Jeanne Bordeau est une artiste presque médium. Elle n’a cessé de surprendre par l’intuition exprimée dans ses œuvres. 

Dès 2009, l’artiste repérait le mot déclassement social. Quant au mot colère, dès 2014 il apparaît et composera un tableau nommé Chaos

En 2018 et en 2023, Oho Bambe a slamé ses créations avec les mots qu’elle avait récoltés. 


Économie 2020 – Quoi qu’il en coûte

Mars 2021  Carnet D'artisteCollection 2020Economie

 

Mots-clés : « Quoi qu’il en coûte », « État de guerre », « Confinement, couvre feu », « Mondialisation en quarantaine », « Economie sur pause », « L’année noire », « Récession », « Faillites », « Effondrement, effet domino », « Restructuration Bridgestone », « Plans sociaux aéroports de Paris Renault Danone … », « Facture covid », « Dette covid », « Précarité », « Pauvreté », « Frugalité », « Plan de relance plan de relance plan de relance », « Budget prodigue », « Surendettement », « Casse-tête du contrôle des aides », « Délocalisation relocalisations ( mirage ) », « Pays radins », « Ségur de la santé », « Course au traitement », « Rush des sociétés de nettoyage », « Économie verte », « Click and collect », « Coopération », « Micro solidarités », « Solidarité », « Miser sur des fonds climatiques », « Agriculture urbaine », « Big tech »

CES MOTS QUI ONT MARQUÉ 2020



C’est aujourd’hui, une œuvre de plus de 150 tableaux composés de 15 000 mots depuis 15 ans. 

2023 

• Club We Are pour célébrer
la Journée de la Femme en présence d’Elisabeth Moreno, ministre déléguée à l’Egalité entre les femmes et les hommes, à la Diversité et à l’Egalité des chances entre 2020 et 2022 (Avril). 

Et, chaque année depuis 2009, un vernissage de ses tableaux de l’année a lieu à Paris (Galerie Verneuil-Saints-Pères, Galerie Médicis, Campus Molitor...). 

2022 

• CESE, cinquantenaire de la Francophonie 

• Cité des Sciences et de l’Industrie (Colloque Changer d’ère, 12 juin) 

2020 

• CESE, Journée Internationale de la Francophonie (Mars) 

• Fondation Alliance Française - Journée des dictionnaires 

• L’Orangerie du Sénat dans les jardins du Luxembourg (Juillet) 

• Théâtre des Quinconces du Mans (Février) .