Une nouvelle conférence en partenariat avec " Les Amis de Maine Découvertes", les Editions " Les Arènes BD" et la librairie Bulle, " Les Amis de la fondation pour la mémoire des déportés", un évènement inédit.
Vendredi 24 mars 2023 de 15 à 17 heures, dédicaces de la BD et autres ouvrages sur Jérusalem de 17 à 17 h 45 au Musée Jean-Claude-Boulard-Carré-Plantagenêt.
Vincent Lemire est historien, géographe, directeur du Centre de recherche français à Jérusalem et maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université Gustave Eiffel.
Pendant 25 ans, Jérusalem est au coeur des recherches de Vincent Lemire, agrégé d'histoire et géographe. Fin 1998 au moment de commencer sa thèse, il est au Caire, étudie l'arabe et fait de nombreux allers et retours entre Le Caire et Jérusalem où il a des amis. Cette dernière ville le fascine par ses paysages, les forts contrastes bioclimatiques, passant des plaines fertiles aux déserts. Passionné par le rapport à l'eau et non par les problématiques religieuses et géopolitiques, à la demande de son directeur de thèse Robert Ilbert, il abandonne ses recherches en Egypte et s'engage dans une méthode inédite de recherche sur Jérusalem, en ne commençant que par l'étude des archives de la municipalité de Jérusalem, archives abandonnées et ignorées.
Extrait d'un article du FIGARO. - Avec cette bande dessinée, vous signez votre huitième livre sur Jérusalem, ville où vous travaillez depuis la fin des années 1990. Pourquoi vous fascine-t-elle autant?
Vincent LEMIRE. - C’est un peu le hasard qui m’a conduit ici, quand mon directeur de thèse m’a dit: «Jérusalem regorge de mémorialistes, de chroniqueurs, d’idéologues. Mais elle manque d’historiens.» C’est toujours vrai: il y a besoin d’historiens à Jérusalem. Je découvre sans arrêt des montagnes d’archives pas visitées, pas ouvertes, et pas seulement sur des détails.
C'est là qu'il découvre les enjeux de l'eau, enjeux déjà travaillés dans ses premières recherches sur Venise.
C'est donc une histoire renouvelée , celle de la municipalité de Jérusalem que Vincent Lemire propose selon une méthode originale.
La ville sous domination ottomane de 1516 à 1917, était la première municipalité de l'Empire Ottoman. Cette Institution municipale intercommunautaire a géré de 1860 à 1930 les affaires communes des habitants de la ville sainte, institution chargée de représenter l'ensemble des habitants , au-delà des différences ethniques et religieuses.
Cette approche particulière de l'histoire de la ville permet le lancement de " Open Jérusalem": ouvrir des archives qui ne le sont pas, ouvrir les archives les unes aux autres, donc décloisonner et aller voir ailleurs les archives non conservées sur place. C'est le cas des archives diplomatiques de Nantes, rapatriées en 1843, date de la création du Consulat Général de France. "Open Jérusalem" est un portail ouvert à tous.
Actuellement le projet "Open Jérusalem" est constitué de 60 chercheurs, paléographes, historiens, archivistes, financé par l'ERC, European Research Council. Cela correspond au concept de la ville monde qu'est Jérusalem, ville ouverte à toutes les influences et autre chose que le théâtre des conflits, ville à vocation universelle.
L'approche de Vincent Lemire est celle d'un historien à Jérusalem. Il s'efforce de communiquer sur son travail, de dire ce qu'il a découvert en arrivant de l'extérieur, découverte des choses que l'on ne voyait pas .
- Jérusalem 1900. La ville sainte à l'âge des possibles , Points, 2016, ISBN 978-2757862285 , ce livre a été traduit en anglais, arabe, hébreu et chinois
- Jérusalem, histoire d'une ville-monde des origines à nos jours : Histoire d'une ville-monde, des origines à nos jours , Editions Flammarion, 2016, ISBN 978-2081389885 (français)
- Révolutions - Quand les peuples font l'histoire , BELIN, 2017, ISBN 978-2410010596 , avec Mathilde Larrère, Félix Chartreux, Maud Chirio, Eugénia Paleraki (français)
- La Soif de Jérusalem : Essai d'hydrohistoire (1840-1948) , Éditions de la Sorbonne, 2011, ISBN 978-2859446598 télécharger, pdf(français)
- Ouvrir les archives d'une ville fermée? , université Paris-Est, Marne-la-Vallée, 2015, en ligne, pdf
- Publication des archives municipales ottomanes de Jérusalem (1892–1917): Un tournant pour l'historiographie de la ville , avec Yasemin Avci et Falestin Naili, dans Jerusalem Quarterly, Vol 60, 2014 en ligne, pdf
- L'éveil de la conscience hydropolitique palestinienne : Le conflit de l'eau Artas-Jérusalem de 1925 , dans Jerusalem Quarterly, Vol 48, 2011 en ligne, pdf
Jérusalem, 4000 ans d'histoire, 250 pages de bande dessinée : comment raconter l'histoire millénaire, religieuse, culturelle, identitaire, architecturale, géopolitique de la ville sainte, ville-monde, nombril du monde, lieu par excellence d'échanges, de transferts, d'hybridations et de syncrétisme.
- Histoire de Jérusalem, en bande dessinée : quel pari risqué que de se lancer dans une telle aventure ! Comment raconter l’histoire d’une ville plusieurs fois millénaires, objet de tant de convoitises, de fantasmes, une ville carrefour, enjeu de mémoires ? Comment tout dire, ce qui est impossible, et ne rien oublier, ce qui est aussi impossible ? Comment apporter de la nuance, quel point de vue adopter et par où commencer ? Tiens, une olive…
Un olivier témoin et narrateur à Jérusalem
La bande dessinée Histoire de Jérusalem s’ouvre avec un olivier, surnommé Olivia ou Zeitoun, qui surplombe la ville, depuis le Mont des Oliviers. Témoin silencieux de 4000 ans d’histoire, symbole de longévité mais aussi de paix, c’est lui qui prend la parole pour raconter l’histoire de la ville sainte. Vincent Lemire, historien spécialiste de Jérusalem, explique le choix de l'olivier comme narrateur pour sa bande dessinée, co-signée avec Christophe Gaultier : "L'olivier est très connoté dans toutes les traditions religieuses, c'est un arbre de paix, un arbre de prospérité ; mais comme c'est un arbre, il est aussi sensible au climat, à la géographie, à la qualité du sol, au fait qu'il pleuve ou qu'il ne pleuve pas, qui fasse froid ou qu'il fasse chaud."
Le site géographique de Jérusalem ne la prédisposait franchement pas à devenir la ville que l’on sait : par son climat, par son relief, par son hydrométrie, la localisation de Jérusalem n’est pas très favorable à l’établissement d’une colonie de peuplement. Il y fait chaud, sec, les tremblements de terre sont fréquents. Pourtant Jérusalem est devenue une ville incontournable de l’histoire mondiale, et n’a pas cessé d’attirer les regards et les convoitises des empires et des croyants.
Strates d'histoire et de mémoires à Jérusalem.
Jérusalem est ainsi devenue une ville-mémoire, dans laquelle les télescopages de l’histoire abondent. Dans un même lieu, dans un même bâtiment, les périodes historiques, les religions se superposent, s’affrontent ou se mélangent. Judaïsme, christianisme, paganisme, Empire romain, islam… sont quelques-unes des influences innombrables qui émaillent l’histoire de la ville.
Capitale spirituelle, lieu de pèlerinage central pour les trois religions monothéistes, Jérusalem est une ville à la centralité indiscutable, qui a vu des moments de grande tolérance et de coexistence pacifique des religions, comme des moments de déchaînement de haine, de violence et d'intolérance. D'après Vincent Lemire, Jérusalem est "le berceau commun des trois monothéismes et ses lieux ont en permanence été surchargés et raturés de plusieurs traditions. C'est aussi le lieu où les traditions circulent entre elles. (...) Ainsi, ce qui ressort de la lecture de cette bande dessinée, ce sont sans doute les interactions, les télescopages, les porosités entre les différentes traditions religieuses."
Jérusalem, ville aux multiples visages
Jérusalem est aussi une ville-monde, qui convoque une histoire mondiale : les événements qui s’y déroulent influencent le cours de l’histoire, qu’il s’agisse du sacrifice d'Abraham, de la mort de Jésus, ou de la création de l’État d’Israël. À l’inverse, certaines décisions prises bien loin de Jérusalem, comme la conversion de l’empereur Constantin au christianisme, l’appel aux croisades du pape Urbain II à Clermont, ou le premier congrès sioniste mondial auquel participe Theodor Herzl à Bâle, sont autant de tournants qui changent le visage de la ville, sa population, son identité et son destin.
Jérusalem est également une ville-symbole, lieu investi par beaucoup d’écrivains. Chateaubriand, Flaubert, Gogol, Mark Twain, Herman Melville, ou encore Pierre Loti publient leurs récits de voyage, en font le point de départ d’une réflexion religieuse, car ils viennent parfois en pèlerinage, ou s’en inspirent pour nourrir leur pensée ou leur œuvre. Les archéologues ne sont pas en reste, qui arpentent la ville sainte pour tenter de déterminer la topographie des lieux saints bibliques : la localisation du tombeau du Christ fait ainsi l’objet d'intenses débats.
Raconter l'histoire en bande dessinée
Pour scénariser sa bande dessinée et sélectionner les éléments clés de l’histoire de la ville, Vincent Lemire s’appuie sur un corpus d’archives et de sources très important. Tous les dialogues sont tirés de ce corpus, ce qui permet au lecteur de plonger dans une version très source et référencée de l’histoire de Jérusalem. Cette transposition permet de faire vivre l’archive auprès du grand public, et atteste du grand sérieux de la recherche scientifique menée par Vincent Lemire, qui a consacré l’essentiel de ses travaux à Jérusalem et à son histoire : "Il a fallu que je redescende très profondément dans les sources pour aller récupérer un échange épistolaire, une description qui était signifiante. Ainsi, le vrai défi, la vraie difficulté, était de faire coller la démonstration pour chaque période avec des personnages et des sources qui incarnent cette histoire."
L’histoire millénaire de Jérusalem n’est pas terminée, et son statut national et international n’est aujourd’hui encore pas résolu : déchirée entre Estentre Palestine et Israël, quel sera l’avenir de Jérusale
" Les ECHOS"
" L'histoire de Jérusalem racontée dans une BD avec des cases, des bulles, des dialogues vivants, des personnages hauts en couleur, des saynètes rythmées et de l'humour, c'est le défi réussi de l'historien Vincent Lemire et du dessinateur Christophe Gaultier. Tout est vrai jusqu'au moindre détail. « Je ne voulais rien céder sur l'authenticité des sources. J'ai cherché, parfois durant des semaines, une lettre, une archive judiciaire, un récit de pèlerin, qui pouvait illustrer tel ou tel fait historique », précise l'historien. Une exigence qui a demandé six ans de travail à ce spécialiste de Jérusalem. Articulée sur dix chapitres, la BD repose au total sur plus de 200 sources distinctes.
Un personnage inattendu accompagne le lecteur tout au long du récit, un bel olivier de 4.000 ans. Au gré des saisons et des siècles, l'arbre a tout vu et tout entendu de l'histoire de cette ville trois fois sainte et dix-huit fois détruite. « L'arbre est un point fixe dans ce fatras de conquêtes et de destructions. Il sert de point d'ancrage rassurant pour le lecteur et parfois il permet de faire un pas de côté, de s'échapper de la grande Histoire pour suivre la petite histoire », souligne Vincent Lemire. Enfin, l'olivier permet aussi au narrateur de se poser des questions sur le sens de l'histoire".