Le mot de la Présidente du Cercle Montesquieu Le Mans
Il y a deux ans nous faisions votre connaissance avec une brillante conférence sur l’histoire de la liberté de conscience, sujet de votre thèse monumentale.
Historien et spécialiste des sciences religieuses, du fait religieux en particulier, de l’Islam sunnite, des relations entre Islam et Christianisme, les intellectuels et les idées.
Votre parcours est impressionnant, coopération à Alexandrie, maître de conférences à Montpellier, professeur à l’Université de Beyrouth de 2004 à 2005, Sciences Po Paris entre 2010 et 2012, professeur à Le Mans Université, 2007 à 2017, aujourd’hui Directeur de recherche à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes à Paris. Pour notre grand plaisir vous vivez au Mans ce qui facilite votre présence au Cercle Montesquieu Le Mans.
Vous avez réussi à retracer l’histoire de la liberté de conscience sur 41 siècles, un droit, celui de croire différemment ou de ne pas croire mais aussi notion philosophique construite et disputée qui suppose que les individus, s’affirmant comme sujets pensants, s’affranchissent publiquement du collectif sur le plan des croyances. Votre recherche nous permet aussi de retracer un pan de l’aventure humaine, celle de l’affirmation de la conscience individuelle face aux autorités politiques et religieuses.
Vous vous placez en solitaire à l’heure des collectifs, loin des billets d’humeur, votre posture de neutralité vous est reconnue, un historien humaniste.
Aujourd’hui, « Gaza », 7 octobre 2023, tragédie qui fait appel à la conscience collective universelle, guerre asymétrique entre un Etat légitime, une démocratie contre une organisation non démocratique (même si le Hamas est arrivé au pouvoir par les urnes) mêlant ordre religieux et politique.
Guerre du retour au primitif, à l’archaïque qui symbolise la défaite du droit et de la diplomatie.
Une guerre qui crée de la sidération, de la pression émotionnelle par le biais des images, qui déclenche les passions.
D’où la nécessité d’appliquer une intelligence historique et politique à l’analyse de ce conflit qui engage notre responsabilité morale.
C’est aussi un conflit des mémoires tout aussi traumatiques, histoire millénaire de persécutions dans la logique d’extermination de la Shoah d’une part, expulsion et exil d’autre part avec la Nakba qui assigne les Palestiniens à la condition sans fin de réfugiés, d’oubliés de l’histoire.
Complexité de mémoires croisées qui nous oblige à regarder en face le tragique de la condition humaine et la violence, sans jamais perdre la nécessité d’espérer.
L’historien Monnier parlait de l’optimisme tragique comme la capacité de parler et d’écouter dans le respect les raisons de l’adversaire.
Rester prisonnier de 1948 ne peut pas nous faire comprendre 2024, nécessité de faire un grand pas de côté par rapport à l’histoire immédiate, aller au-delà de la confrontation sans fin entre deux peuples.
Ce pas de côté, c’est ce que nous attendons de l’historien du temps long et de la liberté de conscience.
Nicole Anquetil, 16 février 2024
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